CHAPITRE 0.2
La musique du barde : Home of the Brotherhood
Il ne faisait pas encore jour à Londres et l'air était encore froid et humide alors que le métal des fers claquaient sur les pavés au passage des chevaliers. Le bruit des armes qui buttaient contre les armures et les voix qui criaient ça et là des ordres se rajoutaient au vacarme que les chevaux faisaient déjà et plusieurs habitants sortirent leurs têtes ensommeillées pour les observer.
Thaddeus et William étaient quant à eux parfaitement réveillés. Pour ne pas avoir à le porter sous le bras pendant les heures de chevauchée qui séparaient Old Sarum de Londres, ils avaient ajustés leurs heaumes sur leurs têtes et regardaient droit devant eux. Une épaisse fumée blanche s'élevait dans les airs quand ils respiraient, se mêlant à celle des bêtes.
Le trajet qui séparait le centre de Londres et Westminster n'était pas long mais il fallut un petit temps avant que tous les hommes présents se rassemblent devant l'abbaye. Mêlés aux Templiers, les Hospitaliers se démarquaient d'eux grâce à leurs tenues en partie noires, quelques éléments d'amures étant rouges, la croix blanche fendait toujours leurs surcots en deux. Peu importe l'Ordre, les chevaliers avaient tous l'air tendus, les mains crispés sur des rênes beaucoup trop courtes qui forçaient les chevaux à garder la tête haute.
William était l'un d'entre eux. Thaddeus ne l'avait presque plus vu sourire depuis l'annonce qui leur avait été fait à l'Hôpital six mois plus tôt. Il semblait surpris de tout et n'importe quoi et ses mains tremblaient toujours lorsqu'il fallait saisir son arme. Thaddeus avait essayé de le rassurer en lui disant que c'était normal, qu'il s'y habituerait mais le gallois n'avait rien répondu.
Il était, au contraire de William, déjà venu à Londres auparavant mais il n'en reconnaissait rien, dans l'obscurité dense qui les entourait. Les seules lumières qui les guidaient étaient celles qui provenaient de l'abbaye qui se rapprochait.
Bientôt, ils durent arrêter les chevaux qui furent pris en charge par des palefreniers, et parfois des enfants. Garder la monture d'un chevalier contre une miche de pain, William l'avait fait de nombreuses fois. Le contact des bêtes permettait de ne pas avoir trop froid et leurs conversations étaient presque bien plus passionnantes que celles des humains. Ils retirèrent leurs heaumes et entrèrent en silence dans l'abbaye. William leva le nez pour observer autour de lui mais Thaddeus gardait les yeux fixés sur ses bottes.
Quand le bouclé eut finit de découvrir l'endroit, il s'installa rapidement à côté de son compagnon et très vite, ils furent à genoux, le regard rivé au sol. Ils entendirent que le roi Richard était parmi eux mais aucun des deux ne releva la tête pour vérifier, trop occupés à écouter la messe de la prime qui commençait.
L'office fut long et ils prièrent beaucoup. La tierce approchait quand l'abbaye se vida. Le grand maître de l'Hôpital n'était pas présent, on le disait les attendant à Paris, mais leurs supérieurs les obligea à rester prier une fois que le bâtiment fut vide. Ceux qui gardaient les chevaux dehors n'entendirent qu'un vague murmure alors qu'ils récitaient leur prière quotidienne, les mains jointes autour de la garde de leurs armes. Thaddeus pria les yeux ouverts, fixant les inscriptions gravées dans le métal : « milites christis ». Il eut un soupir que William entendit et celui-ci lui lança un regard interrogatif. Le blond le soutint un moment avant de finalement fermer les yeux et d'achever sa litanie.
Quand ils purent retrouver leurs chevaux, ils froncèrent tous les deux le nez. Si l'air n'était pas chaud dans l'abbaye, celui de l'extérieur leur glacèrent un peu plus le sang. Ils n'eurent pas le temps de se plaindre cependant car on leur ordonna de se remettre tout de suite en selle. Le temps était passé depuis le début de la messe et les gens avaient eu le temps de se rassembler autour d'eux. Il était déjà peu aisé de circuler à cheval en temps normal, mais à ce moment présent William eu l'impression d'étouffer. Oppressé par la foule et les regards insistants qui pesait sur eux tous. Ils partaient loin de chez eux, pour ne peut-être pas remettre les pieds en Angleterre, et cette façon de les dévisager lui faisait prendre plus vite conscience de cette réalité. Thaddeus l'observait du coin de l'oeil mais ne fit rien lorsqu'il vit le visage de son ami s'assombrir ni lorsqu'il commença à bousculer volontairement les passants, profitant du caractère teigneux de son cheval. Le blond finit même par l'imiter, agacé par leur surplace. La traversée du Strand se fit donc lentement, entre remarques agacés de chevaliers sur les nerfs et murmures de la foule, entrecoupé des hennissements peureux ou énervés des chevaux. Thaddeus essaya de protéger ses narines des odeurs envahissantes de la rue comme il put malgré son armure. La concentration de personnes et de bêtes dans une seule et même rue rendait l'atmosphère irrespirable et il crut hurler de soulagement lorsqu'il aperçut la Tamise et les nombreux navires qui la remplissait.
Il y eut encore beaucoup d'attente et d'agitation une fois au bord de l'eau. Les femmes et les mères étaient rassemblées près des bateaux, essayant une dernière fois de convaincre les hommes de ne pas partir. William eut un tique agacé que Thaddeus ne releva pas. Ils descendirent tous les deux de cheval et ils restèrent à attendre, en observant autour d'eux. Le blond essaya de présenter brièvement Londres à son ami mais il remarqua vite que celui-ci n'était pas avec lui. Son énervement se transformait lentement en angoisse au fur et à mesure qu'ils progressaient dans l'embarquement. Ennuyé de ne rien faire, Thaddeus décida d'aider un de ses camarades, laissant William garder les chevaux. Les coffres tiraient sur les bras mais il préférait avoir l'esprit occupé. Il se chargerait de rassurer le brun plus tard. Il aurait plusieurs mois de traversée pour le faire, alors il se permit de le laisser seul quelques minutes.
Ils eurent bien du mal à embarquer les chevaux, et Thaddeus dut bander les yeux a beaucoup d'entre eux pour leur permettre d'entrer sans se blesser ni les chevaliers environnant. Il se préparait à faire de même avec sa jument qui tirait étrangement fort sur les rênes quand il aperçut une touffe brune qu'il pensait familière se faufiler dans la foule. Il haussa les épaules en se disant qu'il n'avait pas d'idées à se faire et commençait à se re-concentrer sur sa tâche quand William l'appela. Il releva les yeux et vit que son ami serrait un petit garçon contre sa hanche, essayant du mieux qu'il pouvait de ne pas attirer l'attention des autres chevaliers sur sa petite figure frêle. Le bouclé n'attendit pas qu'il réponde et s'éloigna avec le garçon, ayant déjà confié son cheval à un palefrenier. Thaddeus fit de même, en profitant pour acheter le silence de celui-ci dans la foulée, et s'éloigna des bords de la Tamise à grands pas. Il ne retrouva William qu'à la toute sortie du port, dans un coin plus ombragé que les autres.
Le jeune homme n'était plus uniquement accompagné de l'enfant mais de deux personnes supplémentaires et Thaddeus comprit. Il s'écria, un peu trop fort :
« Mère ! »
Elle le fit taire rapidement et se rapprocha, lui prenant tendrement le visage entre les mains :
« Ne parle pas trop fort. » murmura-t-elle avec un sourire qu'il aurait pu croire amusé si elle n'avait pas l'air aussi fatigué.
Il ferma la bouche et hocha la tête. Il avait vu comment on repoussait violemment les femmes qui s'accrochaient désespéramment à leurs maris, leurs pères, leurs frères, ou leurs fils. Thaddeus savait qu'il ne pourrait supporter qu'on touche à sa mère ou à ses soeurs alors, il se tut. Mais il se rappela aussi qu'elle lui avait dit qu'elle serait à Londres en même temps que lui, et quelque part au fond de lui, il fut soulagé de la voir avant de partir.
Garin se tenait toujours contre William alors qu'Alienor était restée dans l'ombre, tenant tant bien que mal leur petite soeur endormie.
Ils restèrent un moment sans rien dire, aucun d'eux ne savaient par où commencer tant la scène leur semblait surréaliste. William et Thaddeus étaient déjà parti 4 ans sur des galères de l'Hôpital pour intégrer l'Ordre, mais le contexte était bien différent. Et, à l'époque, le père de Thaddeus les accompagnaient. Ils partaient seuls aujourd'hui, pour Dieu seul savait combien de temps. Et tous étaient effrayés. Finalement, la mère de Thaddeus finit par soupirer, rapprochant les deux hommes d'elle :
« Mes garçons, je prie pour que vous me reveniez vite. »
Elle fixa le vide un instant, puis sembla se reprendre :
« Nous irons sûrement vers Canterbury avant de rentrer vers Old Sarum. »
Thaddeus voulut rétorquer que la colline n'était pas sur la route de Canterbury mais il savait que sa mère était très pieuse et qu'il était sûrement important pour elle d'y passer quelques jours.
William jeta un coup d'oeil vers le port et vit que l'agitation devenait de plus en plus intense. Il lança un regard à son ami qui hocha la tête. Sa mère soupira à nouveau et les serra contre elle, chacun leur tour. Elle s'attarda quelques secondes de plus sur William avant d'embrasser le front de son fils. Thaddeus fit ses adieux à ses cadets et Garin eut du mal à se décrocher du bouclé. Il versa quelques larmes mais resta silencieux. Alienor ne dit rien et son frère s'inquiéta. De tous, elle était peut-être la plus émotive et qu'elle se soit muré dans le silence l'effrayait presque. Il l'embrassa cependant et ils se retournèrent en direction des bateaux.
Aucun d'eux ne parla, ils regardaient au sol. Une minute n'était pas encore passé que Thaddeus entendit appeler son nom. Il se retourna tout juste à temps pour attraper Alienor qui s'était pris le pied dans un pavé. Son visage était baigné de larmes et elle serrait fort le torse de son frère entre ses bras frêles. William s'assura qu'elle n'avait pas attiré l'attention sur eux et attendit que le blond la réconforte. Il n'entendit pas ce qu'il lui dit, mais elle finit par le lâcher, les yeux gonflés et le nez rouge. Quand il pensa qu'ils furent prêt à repartir, la jeune fille l'enlaça aussi et il fut surpris. Il répondit maladroitement à son étreinte et lui ébouriffa rapidement les cheveux pour ne pas qu'ils se coincent dans ses gants en maille. Elle resta un court instant contre lui, assez longtemps pour Thaddeus le regarde avec un drôle de sourire, et elle repartit sans un mot vers l'endroit où elle avait laissé sa mère. Les deux hommes firent de même et, contrairement à Alienor, ils ne se retournèrent pas.
Ils furent rassurés de constater que personne n'avait vraiment fait attention à leur départ et que le garçon d'écurie, que Thaddeus n'avait que très légèrement menacé, avait tenu ses promesses. Leurs chevaux étaient déjà parqués dans les boxes précaires du navire sur lequel eux aussi allaient embarqués.
La journée était déjà bien avancée quand ils purent eux aussi monter, après avoir aidé les autres chevaliers. Thaddeus trouva William assis dans un coin où il ne pouvait voir le port et les visages désolés de ceux qu'ils laissaient à quai. Il s'assit à côté de lui et lui tendit une miche de pain qu'il avait récupéré. William eut un petit sourire et le saisit. Le blond leva les yeux vers le ciel et s'exclama avec un petit sourire :
« Tu te rends compte ! Nous allons en France !
- Il n'y a que toi qui puisse t'arranger d'une telle situation. » répondit-il avec un petit rire.
Pourtant, aussi discrètes soient-elles, les larmes qui s'étaient laissées glissées sur les joues de Thaddeus ne lui échappèrent pas et il se contenta de prendre la main de son ami et de la serrer silencieusement contre son torse. Le sourire du blond disparut et il baissa les yeux.
Ils restèrent ainsi de longues minutes puis ils décidèrent de se repartir avec les autres, pour ne pas qu'on ait à les chercher.
***
CHAPITRE NON RELU / CORRIGE
Ah ca y est, je vais pouvoir passer au chapitre 1 et mes garçons vont découvrir le monde !
Je ne pense pas publier autant que cette semaine pour la simple raison que le voyage des mes deux jeunes chevalier est bien long et que j'ai besoin de faire des recherches sur chacune de leurs étapes pour essayer de travailler au mieux mes descriptions.
Mais on se revoit vite !
J'ai encore (et toujours) eu des problèmes de mise en page, donc merci de les relever s'il y en a encore !
Des suggestions ? Corrections ? Un avis sur la musique ?
Petits bisous,
Rei.